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16 novembre 2008

Les naufragés de la monnaie - petit conte pour comprendre la monnaie

            Neuf naufragés se réorganisent en société sur une île déserte. Après quelque temps, pour éviter les pesanteurs du troc, ils songent à instaurer l'usage d'une monnaie. Pas de problème. Martin est banquier ! Il taille aussi sec des billets dans de vieux chiffons.

            

        « J'ai de l'or dans ce baril, donc l'argent est à moi », clarifie Martin avant de distribuer 1 600 euros en tissu. « Je vais vous le prêter. Vu que l'argent est rare dans l'île et que la rareté a un prix, il me paraît raisonnable de vous demander un petit intérêt. 10 % suffiront. » Les autres se regardent, surpris. « Les affaires sont les affaires, même entre amis. Signez-moi un engagement à rembourser capital et intérêts, sous peine de confiscation de vos propriétés. Une simple garantie. Je ne tiens pas à m'approprier vos biens, l'argent me suffit. J'ai confiance, vous paierez. »

        L'argent commence à circuler dans l'île. Les échanges, en se simplifiant, se sont multipliés. Tout le monde se réjouit. Mais, après réflexion, Thomas se dit : « Martin nous a prêté une somme totale de 1 600 euros. Avec l'intérêt fixé, il nous faut donc lui rembourser 1 760 euros. Quand bien même nous rassemblerions tout l'argent de l'île, cela ferait 1 600 et pas 1 760. Personne n'a les 160 euros manquants. Nous fabriquons des choses, pas des euros. » Thomas convainc les autres que Martin les a dupés. Mais celui-ci les rassure : « Le banquier s'adapte toujours aux conditions de ses clients. Je ne vais vous demander que l'intérêt. Rien que 160 euros. » « Tu nous délivres de notre dette ? », s'étonne Henriette. « Pas du tout ! Un banquier ne remet jamais une dette. Mais je ne vous presserai pas pour le remboursement du capital. Pourvu que vous m'apportiez le total de l'intérêt annuel, je serai satisfait. » Les naufragés se retirent. Martin jubile : « Ces gens-là sont travailleurs mais ignorants. Et leur ignorance fait ma force. » Sourire narquois aux lèvres, il se remémore la phrase de Rotschild : « Qu'on m'accorde le contrôle de la monnaie d'une nation, et je me fiche de qui fait les lois. » Cependant, sur l'île, la situation se détériore. La productivité a beau augmenter, les échanges ralentissent. L'argent circule mal car on en met beaucoup de côté pour payer Martin. Le moral baisse, les tensions entre riches et pauvres ne cessent de croître, la joie de vivre disparaît. C'est la crise !

            Une délégation en colère se rend alors chez le banquier : « On te paie, on te paie, et on te doit toujours autant ! » Martin tente de calmer le jeu : Vous voulez plus d'argent ? Très bien. Mon baril d'or vaut plusieurs milliers d'euros. Tenez, j'hypothèque vos nouvelles propriétés et vous prête mille autres euros. » « Deux fois plus d'intérêt à payer tous les ans ? », demande Yolande. « Oui, mais je vous en prêterai encore, tant que vous augmenterez votre richesse foncière ; et vous ne me rendrez jamais que l'intérêt. » « Alors, plus nous travaillerons, plus notre dette totale augmentera ? », demande l'une. « C'est cela que tu appelles monnaie saine ?

Une dette devenue impayable, ce n'est pas sain ! », renchérit un autre. «Banquier, nous n'emprunterons plus un seul de tes sous ! », tranche Thomas. Martin reste de marbre. « Si vous rompez votre contrat, j'exige que vous me remboursiez tout, immédiatement, capital et intérêts ! » Les naufragés sont sur le point d'en venir aux mains quand, soudain, l'horizon s'obscurcit. Ils s'interrompent pour se mettre à l'abri.

Une vague immense balaie tout sur son passage. Elle dévaste la maison du banquier. Une fois l'ouragan éloigné, Thomas découvre le baril de Martin, déterré. En le soulevant, il réalise qu'il ne pèse pas bien lourd. Un coup de hache, et le baril étale son contenu : d'or, pas une once ! Des cailloux, rien que de vulgaires cailloux sans valeur !

            Comme disait Henry Ford, « si les gens comprenaient réellement le processus de la création monétaire, le système ne tiendrait pas plus de 24 heures ».

Hannes Lammler

CQFD – N° 60 – octobre 2008

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