Sans papiers!
Ils s'appellent Aïcha, Abdel, Karim, Emel, Oumar...En Espagne, ils ramassent des fraises, des tomates que nous dégustons hors saison, et le soir, ils retournent dans leur dortoir. En France, ils se terrent, passent comme des ombres colorées avec des boubous, une marmaille qui les suit, chamarée et bruyante, pendant que le père ramasse nos poubelles ou tue, dans l'abattoir, le porc dont nous mangerons les côtes, le dimanche suivant.
Ils s'appelaient Romano, Carlos, Julio, les Ritals, les Portos qui ont reconstruit la France et bâti nos maisons.
« Sans-papiers », noms infamants qui les désignent comme des criminels potentiels! Sans papiers parce qu'ils ont dû fuir dans la précipitation des pays ruinés par la dette qu'ils ont à rembourser aux pays riches, pillés... où il est impossible de donner une éducation à ses enfants et de se soigner sans se ruiner.
Tous les jours, quelques postes de télévision, dans des maisons en terre ou au fin fond du désert, déversent leurs lots d'images lisses où des femmes blanches et blondes, évoluent dans des appartements Ikéa avec leurs enfants qui reviennent de l'école en riant. Pour ce rêve, ils sont prêts à traverser leur désert, s'entasser dans des bateaux jusqu'à mourir étouffés, s'accrocher à un train d'atterrissage et y mourir gelés.
Certains, seigneurs d'un instant, ont réussi et reviennent au pays dans des voitures rutilantes. Ils racontent saint-Denis, Clichy-sous-bois et la tour Effel, fournisseurs de rêves, sans dire la barre d'immeuble et le racisme ordinaire.
Un jour, français, nous pouvons fuir notre pays parce que opposant politique, parce que devenu pauvre...et nous deviendrions des ombres sans papiers.
Dominique Poupard